Do Not Touch 4
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Description

Numéro 4 de la revue d'art et d'esprit de l'océan Indien sur le thème de la liberté: liberté de création, liberté d'expression, liberté de dire l'indicible.
Contributeurs: Emmanuel Genvrin, Angélique de la Hogue, Yusuf Kadel, Eileen Lohka, René Noyau, Michèle Rakotoson, Satyendra Peerthum, François Vinson, Dr Didier Wong.
Et avec les artistes tels que Simon Back (couverture), le Réunionnais Jimmy Cadet, les Mauriciens Max Goriah, Pascal Lagesse, Ar vin Ombika, Jocelyn Thomasse et bien d'autres.
Bilingue français/anglais.
A lire et découvrir pour le plaisir des yeux.

Informations

Publié par
Publié le 06 mars 2023
Nombre de lectures 79
EAN13 ISSN 1694-370
Langue Français
Poids de l'ouvrage 13 Mo

Extrait

ISABELLE MOTCHANE-BRUN D i r e c t r i c e d e p u b l i c a t i o n
Notre marge de manœuvre est étroite entre ce que la société tolère et ce que nous nous autorisons. Au mieux nous jouissons d’une certaine « liberté d’action ». Liberté d’éditer pour Corinne Fleury, directrice de l’Atelier des Nomades, liberté revendi-quée pour l’artiste Didier Wong, liberté de la forme pour Simon Back, liberté de jouer avec les objets pour le Réunionnais Jimmy Cadet, mais liberté interdite pour les peuples opprimés et envahis, les femmes et les enfants victimes de violences, liberté mise à mort tant elle est brimée par l’intolérance des uns et la bêtise des autres…
Dans la réalité, c’est donc une autre aaire. Hor-mis cet autre envahissant, ne sommes-nous pas prisonniers des conventions sociales, des modes, du regard de l’autre, de l’auto-censure que nous nous inigeons par confort… ou par lâcheté ? Avons-nous toute la liberté de penser autrement que dans le huis clos de notre esprit ? Pouvons-nous nous exprimer totalement librement ? Essayez donc d’émettre une opinion diérente des dogmes du moment et vous aurez tous les bigots du po-litiquement correct, et particulièrement ceux de
Remarquez que ça tombait bien et qu’elle apportait de l’eau à notre moulin, puisque nous avions choisi la liberté comme thème à explorer, bien avant que naisse cette ridicule mise à nu.
Libre ? L’est-on vraiment ? Toute la question est là. Dans l’absolu, probablement, pour autant que l’on fasse abstraction de l’autre qui, lui-même, est en droit de revendiquer la liberté absolue. La liberté absolue, ce serait la solitude intégrale, l’individu dans sa toute-puissance, enivré par son narcissisme, guidé par son seul désir et sans entrave. Dieu merci, la société est là pour le rappeler à l’ordre.
la mouvancewoke, ce mouvement qui ne tolère aucun écart de pensée qui ne soit pas conforme à la sienne, sur le dos. Une manière de se libérer du réel serait de l’ac-cepter ! Accepter les règles du jeu pour mieux s’en défaire au lieu de perdre son temps et son énergie à lutter en pure perte. L’autre manière est de créer. Théoriquement, l’acte créatif suppose que l’on sorte du cadre. Casser les codes, s’aranchir des écoles et des techniques ont permis à l’art abstrait de s’épanouir. Ainsi, Pierre Soulages, maître de « l’outrenoir », décédé à 102 ans le 26 octobre 2022 qui, jeune, a très vite refusé l’académisme des Beaux-Arts, découvert l’art abs-trait après-guerre, pour nalement nouer, sa vie durant, un dialogue intense avec la couleur noire, émerveillé, disait-il, par la« lumière reétée par le noir, transformée par le noir ».Mais combien d’artistes bridés pour un Soulages ?
ÉDITO | #3
Comme souvent à Maurice, les tempêtes dans un verre d’eau servent de révélateur de l’état de la société. Cette année, c’est l’outrageant tableau aux seins nus de Palvishee Jeewon qui a servi de détona-teur. Cette polémique, assez puérile somme toute, a mis les pieds dans le plat en posant crûment et sans ambages la question de la liberté de création de tout artiste, et par là même, de tout individu.
Tempête sur le nu
D i r e c t r i c e d e l a p u b l i c a t i o n I s a b e l l e M o t c h a n e - B r u n
D i r e c t e u r d e c r é a t i o n J e a n - L o u i s F l o c h
D i r e c t e u r a r t i s t i q u e e t p h o t o g r a p h e J . D . M a x w e l l M a r i e
R é d a c t r i c e - e n - c h e f D o m i n i q u e B e l l i e r
Tr a d u c t e u r R o b e r t F u r l o n g
É d i t e u r Tw i s t a n d S h o u t L t d . I m m e u b l e L e s M i r a b e l l e s , r o u t e L a S a l e t t e , G r a n d - B a i e . I l e M a u r i c e T . M a u r i c e : + 2 3 0 5 7 1 2 9 4 6 9 T . F r a n c e : + 3 3 6 7 4 7 8 1 2 7 2
I S S N 1 6 9 4 - 3 7 0 8 © D r o i t s r é s e r v é s . 2 0 2 3
R E M E R C I E M E N T S
D N T – D o N o t To u c hn ’ a u r a i t j a m a i s e x i s t é s a n s l e t a l e n t , l a e t c r é a t i v i t é c o n f i a n c e l a t o u t e s d e t o u s e t : a u t e u r s , a r t i s t e s e t p h o t o g r a p h e s . Q u ’ i l s e n s o i e n t s i n c è r e m e n t e t c h a l e u r e u s e m e n t r e m e r c i é s .
C O N T R I B U T E U R S A u t e u r sE m m a n u e l G e n v r i n , A n g é l i q u e d e l a H o g u e , Yu s u f K a d e l , E i l e e n L o h k a , R e n é N o y a u , M i c h è l e R a k o t o s o n , S a t y e n d r a P e e r t h u m , F r a n ç o i s V i n s o n , D r D i d i e r W o n g A r t i s t e s S i m o n B a c k , J i m m y C a d e t , L u x G a m b a r t , M a x G o r i a h , P a l v i s h e e J e e w o n , P a s c a l L a g e s s e , R a y m o n d L e v a n t a r d , A r v i n O m b i k a , J o c e l y n T h o m a s s e , P h o t o g r a p h e s M e h a D e s a i , G a ë l l e G o n z a l e z , K a r i n e G o u g e r o t , U m a r T i m o l
L a r e p r o d u c t i o n , m ê m e p a r t i e l l e , d e s t e x t e s e t d e s p h o t o g r a p h i e s p u b l i é s d a n s c e t t e r e v u e , e s t s t r i c t e m e n t i n t e r d i t e s a n s l ’ a c c o r d é c r i t d e l ’ é d i t e u r
MEHA DESAI P h o t o g r a p h e
| #5
DNT | #6
Couverture : Simon Back.Dig. 120 x 139 cm 2021
SOMMAIRE | #7
Édito 3Tempête sur le nu– Isabelle Motchane-Brun Parti pris Liberté 10 Liberté chérie, inaccessible idéal– Eileen Lohka 14 Se libérer du réel– Jean-Louis Floch 17Day (extrait) Another Kade– Yusuf 18quel art voulons-nous De – Dominique Bellier 20de création : un droit fondamental de l’artiste Liberté – Didier Wong 24corps, intarissable source d’inspiration Le – Dominique Bellier 31 Avec l’orage qui m’accompagne– Angélique de la Hogue 36 Sega de liberté– René Noyau 38Gambart Lux 40liberté interdite La – Satyendra Peerthum Liérature 43 Écrire l’Afrique, oui mais laquelle ?– Michèle Rakotoson 46 Poèmes rupestres– François Vinson Édition 48de Corinne Fleury, éditrice : Interview « Le temps long dans l’édition est important » – Isabelle Motchane-Brun Arts 51 SIMON BACK : from Africa to Africa– Jean-Louis Floch 66Chagos perdus Nos – Pascal Lagesse68 Jimmy Cadet : Le mystère bavard des objets ordinaires –Dominique Bellier80 Max Goriah en conversation avec les dieux– Dominique Bellier96de Kochi : l’océan Indien cosmopolite Biennale – Dominique BellierCinéma 62 Interview de David Constantin, réalisateur :Trouver sa voie par une nuit étoilée – Dominique Bellier Histoire 76 Interview de Vijaya Teelock, historienne :« On ne peut compartimenter une histoire cosmopolite ! » – Dominique Bellier Liérature 86 « Sabena »– Emmanuel Genvrin Photographie 90Gougerot : L’enfance au cœur Karine – Dominique Bellier
Do you speak English ?
97 Cahier traduction
DNT| #8
PARTI PRIS | #9
DNT| #10
EILEEN LOHKA P r o f e s s e u r e é m é r i t e , É c o l e d e l a n g u e s , l i n g u i s t i q u e , l i t t é r a t u r e s e t c u l t u r e s , U n i v e r s i t é d e C a l g a r y
Liberté chérie inaccessible idéal
Liberté, liberté chérie… idéal de l’homme. Mythe d’un droit inaliénable, sans borne. Qui ne peut exister. Pas une liberté universelle et incondition-nelle, non. La Déclaration des Droits de l’Homme l’énonce clairement, la Constitution de la jeune république des États-Unis d’Amérique la codi-e, certes. Même là cependant, à l’ère des grands idéaux républicains, du mythe de l’égalité à l’échelle humaine, cette liberté tant prisée ne s’applique pas uniformément. La femme, le démuni, l’esclave sont écartés des droits réservés à l’homme libre, d’origine européenne, riche de préférence. La femme, mineure de par la loi, n’a point le droit de parole, ni le choix indi-viduel d’un époux, ni le contrôle de ses biens ; sa liberté est restreinte au bon vouloir de l’homme. Quant à l’esclave, bien meuble parmi les objets hétéroclites de son propriétaire, il n’a de liberté que celle de la résistance, le contrôle de sa vie usurpé par la servitude. Si l’esclavage et la subjugation des peuples existent depuis que le monde est monde, les grandes explo-rations à l’échelle planétaire exacerbent la tendance et déclenchent deux forces contradictoires. D’une part, le rapt de nations entières, la main mise sur les territoires, les matières premières et les peuples autochtones et, de
là, un asservissement systématique. Ironiquement, les mêmes mouvements entraînent également, à la longue, une résistance aux royaumes colonisa-teurs, les colonies rejetant le joug qui les courbe aux besoins de la vieille Eu-rope… sans pour autant relâcher à l’interne la servitude où ils maintiennent la vaste majorité de leur population.
Depuis la découverte au Canada de centaines de tombes sans nom autour des écoles résidentielles où les enfants des Premières Nations, après avoir été enlevés de force à leur famille, étaient incarcérés de fait dans des écoles où ils étaient privés de leur nom, de leur langue et de leur culture, où ils étaient maltraités, psychologiquement, physiquement voire sexuellement, les victimes de ces atrocités et leurs descendants se font entendre. Ils percent enn la conscience du peuple et du gouvernement canadiens, revendi-quant, pour le moins, la liberté de pratiquer leur culture et de parler dans les langues de leurs ancêtres, langues longtemps menacées d’extinction. Si le pape est venu expressément au Canada en juillet 2022 en pèlerinage de pénitence, quémandant leur pardon pour le génocide culturel perpétré par
l’Église catholique, les Premières Nations réclament, en sus des paroles bien intentionnées, un acte de bon gré, à savoir l’abolition de la doctrine de la découverte chrétienne. En eet, cette doctrine, d’abord signée en faveur du Portugal, permettait – et permet encore puisqu’elle perdure – la prise sans contestation de vastes territoires appartenant aux peuples non-chrétiens.
Ainsi, le Portugal puis l’Espagne, la France et l’Angleterre ont acquis les Amériques, privant les peuples indigènes de leurs territoires, les acculturant sous prétexte de les civiliser et de leur apporter l’Évangile. La liberté de vivre sa vie selon ses mœurs et de développer son espace vital à sa guise, dans ces cas, n’est valide que pour les vainqueurs. Soit dit en passant, le déracinement, le génocide de populations entières ne sont pas pour autant une aberration du passé. L’extermination des Arawaks et des Taïnos dans les Antilles trouve son écho dans la famine en Ukraine sous Staline, la sai-gnée de l’Arménie sous le régime ottoman, le massacre de Tutsis au Rwan-da, la persécution des Ouïghours en Chine populaire, nous permettant de constater qu’en sus des conquêtes coloniales, la loi du plus fort reste de mise et que la liberté est la première à sourir. Tout comme celle des populations rendues nomades par la guerre, les catastrophes naturelles ou la famine : considérons le sort des enfants de la Creuse, arrachés de leurs parents et de leur milieu naturel par un gouvernement qui pensait en savoir plus, sous le prétexte de préserver l’île de la Réunion d’une surpopulation qu’il considé-rait néfaste. Considérons par ailleurs les migrants du Moyen-Orient et de l’Afrique sub-saharienne qui ont justement fait état, comme les migrants de l’Amérique latine du reste, de l’inégalité de traitement entre leur lutte pour être acceptés dans les pays occidentaux et l’aise relative qu’ont connue les Ukrainiens à trouver refuge dans les pays de l’Otan. Ou encore les reven-dications de minorités visibles tentant de fuir l’Ukraine et à qui l’accès aux trains, ou à la Pologne, entre autres, était restreint. N’oublions pas non plus le projet proposé par Boris Johnson de déporter les immigrants illégaux de la Grande-Bretagne vers le Rwanda. Enn, et pour accentuer l’actualité des
PARTI PRIS | #11
migrations humaines, n’oublions pas l’underground des travailleurs sans papiers, à peine rémunérés et sans recours, la traite, encore active, des tra-vailleurs sexuels, leurrés par l’appât de rôles cinématographiques, de car-rière de top modèles ou simplement kidnappés par des coyotes à la frontière et exploités dans les grandes villes. Liberté, liberté chérie…
Pour ne développer qu’un exemple spécique, le rapt de la liberté indivi-duelle s’aggrave lorsque les colonisateurs se voient dans le besoin de main-d’œuvre pour faire fructier les territoires acquis. La traite d’hommes libres, avec la collaboration de marchands sur place s’avère, on s’en rend compte maintenant, la plus grande migration humaine : d’un déracinement brutal vers un asservissement total qui eaçait toute trace d’origine et d’identité. Remplacement du nom de naissance par un prénom chrétien, suppression de la langue et de la religion, érosion inévitable des mœurs et de la culture, jusqu’à l’arrachement total de l’humanité de ces êtres maintenant considérés, selon les codes noirs, comme des objets. Qu’il est atroce de découvrir, dans les archives ou dans les recensements, des listes de noms – y compris d’enfants en bas âge –, inventés selon l’imagination du maître, stéréotypant déjà l’indivi-du, Le Paresseux, L’Apostrophe, Lamoureux ou Lechevelu, prénom Sanson, suivis de leur âge, de leur « provenance » et de leur utilité. Pour la plupart, le dénominateur les relègue à l’outil qui détermine leur labeur inhumain dans les champs. Liberté ? Celle de travailler sans n à solidier les bénéces du maître en échange d’une maigre pitance et d’une petitecabane.
L’être humain est ainsi fait que, dans les moments les plus diciles, il cherche sa liberté de parole et d’action. Il se veut maître de ses décisions et de son avenir, à tout prix. Pour les esclaves, et malgré la distincte possibilité d’être roués de coups, marqués au fer rouge, aublés de colliers à piques ou risquant d’avoir un pied coupé à la hache, la fuite restait une priorité. Ré-sistance par excellence, le marronnage rendait à l’esclave sa liberté de mou-vement, le contrôle de sa vie, son respect de soi. Un moyen d’armer son
La loi du plus fort reste de mise et la liberté est la première à sourir.
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